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Camille, la première de la classe

In Près des enceintes, Roi des ânes on 20 février 2012 at 18:06

Par Roi des ânes

C’était chez Taddéï – un mec tellement au top qu’il va forcément se retrouver un jour dans un 6-coups – Camille chantait en live trois extraits de son nouvel album Ilo Veyou. J’ai (re-)pris une claque. C’est la première de la classe des chanteuses françaises, très forte et très agaçante.

Vous connaissez les premiers de classe qui mettent tout le monde à la ramasse, en mode inatteignables, “next step” comme on dit chez Silicon Sentier, et bien c’est ce que je pense de la dernière « copie » rendue par Camille, son album  Ilo Veyou.

A l’écrit, Camille cartonne en français, en maths et en anglais. Entre la sucrée « étourderie« , le jouissif et entêtant “Allez allez allez” et la Partita de Bach pour voix seule “Tout dit” elle cale au passage, un tube digne d’une BO de love story hollywodienne “She was”. Je suis sûr que si elle rappait, ce ne serait pas complètement ridicule.

Et puis il y a l’oral, le live, où son niveau est tel qu’elle ne joue pas dans la même cour que les autres. Pourtant Dieu sait si le live est la planche savonneuse où se vautrent régulièrement les chanteuses. Elles commencent et en quelques notes c’est la dégringolade gênante… Mention spéciale pour le groupe pertinemment nommé Oh la la, qui projette sa chanteuse dans le mur des Lamentations au premier couplet.  Faut « oser » comme ils disent.

Il faut bien dire que le niveau de la classe est atrocement bas, ce qui explique pourquoi le pauvre Vlameth est forcé de fantasmer sur la correspondante québécoise d’Elodie Frégé, Coeur de Pirate. La Grande Sophie (qui a redoublé 5 fois pour filer la métaphore) est pour moi le summum de la nullité, suivie de Mademoiselle K et… non, pardon, j’arrête, Mélanie Laurent, la pionne, nous le répète,  pas d’ouverture sur la haine.

En réalité, il y a régulièrement des one shot dans la varièt’ française, des élèves médiocres qui craquent leur slip et pondent une perle le jour de l’exam.  Je pense par exemple à « Cinq ou six années » de Jeanne Cherhal, ou à “Moi c’est” de Camélia Jordana, improbables et vraiment réussies. Mais sur la longueur, ça ne tient pas. Alors que Camille c’est comme Tonyglandil, c’est du béton.

Et pourtant elle revient de loin, parce qu’avec son premier album Le sac des filles (2002), c’était pas gagné. Pour sa défense, l’enregistrement a eu lieu pendant son stage de sience-po, et elle était saoulée par les exs de son boyfriend d’alors, Jean-Louis Murat, le BG de la chanson française. Et puis vint la révolution du Fil en 2005, avec un concept artistique fort et qui fonctionne (un si en segue du début à la fin de l’album) qui  mit tout le monde KO. C’est un peu comme Radiohead qui, après deux albums dégueux – Pablo Honey (1993) avec l’horreur « Creep » et The Bends (1995) -se sortent les oreilles du c** et pondent la perle Ok Computer. Comme Camille, ils ont voulu se laver de leurs débuts compromettants en poussant vers l’expérimental. Mais si Kid A est génial, The music Hole (2008) est parasité par son aspect super guttural qui, bien que ludique, nuit à presque toutes les chansons. Avec Ilo Veyou, Camille retrouve la langue française qu’elle sait si bien tordre et faire swinger.

Alors, qu’oserait-on lui reprocher, mécréants du web que nous sommes ?

Et bien, de ne pas jouer le jeu.

La caricaturale video  d’« Allez allez allez » le trahit : pas de make up, pas de lipdub mais une acoustique cradouille (10 après l’Hyperballad de Björk), une tenue néolithique vaguement anti – et donc fashion, une banane et… un rot !

Est ce qu’Hélène Ségara, est-ce Nolwenn se permettent de roter ? Non, elles se maquillent, elles se calent bien sur le playback et elles font des regards mollement langoureux. Ce sont des chanteuses, et à tout refuser, tourner en dérision, Camille redevient la tête à claques d’hypokhâgneuse d’Henri IV. Vous savez le genre d’esprit supérieur qui se complaît dans le prosaïsme et la puérilité justement parce qu’il a accès aux plus subtiles abstractions. C’est son côté Guermantes, et elle nous fait tous passer pour des Verdurin (après le rot, le Proust).

Et puis, elle devrait rendre sa banane à Philippe Katerine car son copain de classe, c’est plutôt l’absurde et génial Matthieu Booggaerts.

Camille, t’es la plus forte, on le sait, alors arrête de crâner et vient manger à la cantine avec les autres.