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Tintin au pays du plagiat…

In Près des enceintes, Vlameth Brevada on 29 septembre 2011 at 01:57

par Vlameth Brevada

… ou pourquoi s’emmerder à payer des droits aux artistes pour mettre de la musique dans une pub?

Tout a le monde a vu la pub Peugeot qui-dure-une-demi-heure, avec un faux château de Moulinsart, des faux Dupondt, etc… Comme tout le monde, vous vous êtes d’ailleurs demandé ce que Tintin venait foutre dans une pub Peugeot. Mais là n’est pas la question. Parce que dans cette pub, vous aurez aussi remarqué que la musique de fond imite assez largement le générique du dessin animé Tintin, qui passait sur France 3. C’est assez bien foutu, on reconnaît vaguement l’air, mais difficile de dire qu’il y a plagiat. Ces derniers jours passe aussi à la radio une pub toute pourrie pour le site « Un test, un bisou », sombre histoire de glycémie et de diabète, le tout orchestré par Johnson & Johnson. Bon bah là, pas de Tintin en vue, mais on entend une petite musique au ukulélé, 3 accords gentillets avec une flûte traversière derrière. Même pas besoin d’écouter pour reconnaître la touch Cocoon. Sauf que ce n’est pas du tout Cocoon, mais une imitation de leur morceau Chupee. Là encore, impossible d’appeler cela du plagiat, mais on utilise quand même clairement une référence évidente au groupe.

J’ai fait ma petite enquête: pour qu’il y ait plagiat en matière de musique, il faut que 4 mesures soient reproduites. Autant dire qu’on en est loin dans ces cas précis. Plutôt que d’appeler cela du plagiat, je devrais donc plutôt appeler ça de la paraphrase musicale. On reprend un thème, une idée, une couleur, en l’organisant différemment. Et à ma connaissance, il n’y a pas de lois contre la paraphrase.

Bien entendu, la première raison de ces paraphrases est financière: pas de droits musicaux à payer, et l’annonceur est content. Pour votre culture, sachez d’ailleurs qu’il y a 2 types de droit musicaux: les droits éditoriaux, défendant l’utilisation de la partition d’un morceau, et les droits phonographiques, défendant l’usage de la bande. Par exemple, si je joue un morceau des Beatles en public avec ma guitare et mon tambourin, je dois payer des droits éditoriaux (car je reproduis la partition), mais pas les droits phono, car je ne passe pas la bande. En revanche, si je passe un disque des Beatles en public, là je dois payer les 2 droits. Pourtant, cette pratique est assez nouvelle. On avait déjà vu des annonceurs faire interpréter un morceau connu par un groupe inconnu (genre Orange qui faisait chanter Come together à des nobodes), pour ne payer que les droits éditoriaux, mais profiter quand même de la notoriété du morceau et le reproduire à la note près.
En revanche, la paraphrase est d’après moi une pratique assez nouvelle, et qui devrait se généraliser assez vite maintenant qu’un géant comme Peugeot s’en sert officiellement.

Mais alors, au-delà de l’aspect money-money, quel est l’intérêt de l’usage de la paraphrase dans la pub? Je vais tenter un début de réponse: je pense que 90% des gens ont une oreille assez merdique pour ne pas faire la différence entre le morceau de Cocoon et la pub J&J. La mélodie de Chupee reste donc en tête -sans même avoir été entendu puisque ce n’est PAS le morceau- et on y associe automatiquement le message de la pub dès qu’on le sifflote inconsciemment. Et il faut bien reconnaître qu’ils ont réussi leur coup, les morceaux de Cocoon étant bien le genre de chansons qui te restent dans le crâne jusqu’à en avoir envie de se pendre. D’une certaine manière, la pub exploite la tendance « chanson facile à 2 accords qui se retient bien » de l’industrie musicale et des radios généralistes, en en contournant seulement Concernant le journaliste gay à houpette, c’est encore autre chose. J’ai l’impression que les auteurs de la pub avaient un match de squash le jour du choix de la musique, et plutôt que de se faire chier à trouver un morceau qui colle, parce qu’il est déjà 18h et qu’on va galérer à trouver une place dans le quartier, ils ont choisi de faire recopier le thème du dessin animé à un compositeur, basta, et on est à l’heure pour notre partie.

D’après ces 2 annonceurs, on devrait donc croire qu’à force d’être habitués à écouter des morceaux qui se ressemblent tous, à force d’accumuler les mélodies qui se retiennent tout de suite, on rend nos cerveaux capables de ressentir une émotion particulière pour une marque à la simple évocation d’un thème musical(« Oh, on dirait le dessin animé Tintin… Tiens, ça me donne envie de m’acheter une Peugeot! »). Mais en fait, à part donner une identité à un spot, la musique de fond n’est peut-être pas si essentielle que ça dans le processus de mémorisation. Son rôle s’arrête à l’aspect esthétique de la pub et à l’indication qu’elle donne du positionnement de la marque. Du coup, on se dit que les types de Peugeot ont bien eu raison d’aller jouer au squash plutôt que de se prendre la tête pour une pub que tout le monde aura oublié la semaine suivante…